Les enjeux de la construction bois face à l’urgence climatique

  • Publié le 11 juillet 2021
  • PCA-STREAM
  • 6 minutes

Le secteur de la construction représente 1/3 des émissions de CO₂ en France, une empreinte écologique qui peut être réduite par l’usage du bois. Cependant, ce matériau ne stocke le carbone que temporairement. L’enjeu des chantiers durables réside donc dans une approche globale, intégrant la gestion des forêts et la pérennité des bâtiments. Pas de woodwashing ici, mais une réflexion sur la construction mixte !

Intégré à l’architecture, le bois massif apparent est un facteur de bien-être. Ses qualités hygroscopiques aident à réguler l’humidité et augmentent le confort ressenti. Selon les essences, les molécules odorantes dégagées participent à l’amélioration de la concentration, du sommeil et de la relaxation(Sakuragawa, 2005) .

Mais construire en bois permet avant tout de réduire l’empreinte carbone d’un bâtiment. Le secteur de la construction représente 1/3 des émissions de CO₂ en France, dont la production de matériaux contribue à 16%(Carbone 4, 2019). Contrairement à l’acier et au béton, le bois est un faible émetteur d’énergie grise. Ses capacités à se renouveler sans apport d’énergies fossiles et à stocker du carbone en font une piste prometteuse dans la lutte contre le réchauffement climatique. La Stratégie Nationale Bas-Carbone vise une augmentation de 30%(AGRESTE, 2017) de la production de bois commercialisé en France en 10 ans (2016-2026)(Ministère de la transition écologique et solidaire, 2018), promettant un nouvel horizon au secteur du bâtiment.

Si le bois permet des constructions légères, préfabriquées et précises, il ne s’accommode pas de toutes les situations. Aussi, il participe d’un cycle plus vaste de gestion des ressources, de production, de transformation, de commercialisation… pouvant contrebalancer son empreinte écologique réduite.

Dans quelles situations utiliser le bois ? En quelles proportions ? Quelle vision systémique adopter pour ne pas tomber dans le woodwashing et préserver une filière durable ? Voici quelques pistes de réflexion qui penchent en faveur de constructions mixtes.

La séquestration du carbone dans le bois, conséquente mais éphémère

Au cours de sa croissance, un arbre absorbe environ 1,5kg de CO₂ pour produire 1kg de bois(Peuportier, 2021). On parle de carbone biogénique pour qualifier le carbone fixé par le végétal à partir du CO₂ atmosphérique grâce au processus de photosynthèse. Ce carbone fixé dans les troncs le reste dans le bois transformé en produits de construction. Ainsi, un m3 de CLTCross Laminated Timber, bois lamellé croisé, un matériau de construction à base de bois qui se présente sous la forme d’un panneau multi-couche  contient l’équivalent de 700kg de CO₂ capté dans l’atmosphère(Carbone 4, 2013) et possède une empreinte carbone négative (- 520 kg de CO₂ puisque sa transformation émet 180 kg de CO2 par m3). En comparaison, la production d’un m3 de béton génère 210 kg de CO₂(CEMII, C25/30)  (Ifpeb, carbone 4 , 2020).

Mais la séquestration du carbone biogénique n’est pas infinie, lorsque le bois se décompose ou se consume, le carbone est relargué. Construire en bois permet de lisser les émissions dans le temps mais en aucun cas de les annuler. Ces émanations, bien que retardées à la fin de vie d’un produit, auront un impact sur le changement climatique. Il revient aux outils de calcul et à la réglementation de veiller à comptabiliser ces dégagements en adéquation avec des perspectives climatiques de long terme(Peuportier, 2021).

L’enjeu : La longévité de l’architecture

La durée de vie des éléments de construction en bois est estimée entre 50 et 100 ans. Pourtant, de nombreux bâtiments historiques présentant des charpentes en bois attestent de la résistance centenaire de ce matériau. L’obsolescence des bâtiments, plutôt que la défaillance du bois, est le plus souvent à l’origine de son démantèlement. Allonger la durée de vie des bâtiments et des produits en favorisant une maintenance régulière, des opérations de réhabilitation plutôt que démolition-reconstruction et le réemploi des matériaux permet de retarder les émissions de CO₂ générées en fin de vie des produits.

Associer les matériaux : Pour une intelligence de la construction

Dans l’objectif de prolonger la longévité d’un bâtiment, il est primordial de le rendre souple à une possible évolution des usages. Or, le bois ne permet pas toujours de répondre aux exigences constructives. Contrairement au béton, il n’isole pas de l’humidité capillaire et ne s’accommode pas bien des sous-sols. Autres inconvénients notables : l’acoustique et la sécurité incendie. Dans un bâtiment tertiaire, si l’on veut accueillir du public et des programmes variés en rez-de-chaussée avec notamment des espaces de restauration, un socle en béton donnera plus de flexibilité, et donc plus de durabilité dans le temps.

Les systèmes mixtes, associant le bois au béton ou à l’acier, permettent de compenser les défauts de chaque matériau et de réduire la durée d’un chantier. Avec une structure constituée à 60% de bois (poteaux, poutres, planchers) et à 40% de béton (noyau, escaliers), un étage de 1200m2 peut par exemple être construit en 9 jours.

La nécessité d’une gestion raisonnée des forêts

Au-delà de la prescription par les architectes, c’est une réflexion à l’échelle nationale qui doit s’opérer. Si le stockage du carbone biogénique est dépendant de la durée de vie des éléments de construction bois, elle l’est également de la gestion des forêts.

Pour répondre à la croissance de la construction bois, la coupe française doit s’intensifier, risquant par là même de détériorer les ressources forestières et la qualité de leur gestion.

Lorsqu’ un arbre est coupé pour fabriquer un produit de construction, il cesse de capturer du carbone. Il faut donc s’assurer qu’un nouvel arbre soit replanté pour maintenir la pérennité des forêts comme puits de carbone. Même si les sujets sont remplacés, des coupes raisonnées doivent être opérées car l’abattage de la totalité des arbres d’une parcelle génère une perturbation du sol induisant des émissions de CO₂ qui peuvent être supérieures au carbone absorbé par la croissance des nouveaux arbres pendant les premières années de vie de la forêt(Gaëtan du Bus de Warnaffe, 2020). Les coupes rases sont à proscrire et le prélèvement des sujets doit être réalisé dans un objectif de conservation d’une valeur nette de CO₂ absorbé positive.

Les politiques de gestion à détermineront le rôle de la forêt française dans la lutte contre le réchauffement climatique ainsi que notre capacité à allier production industrielle et soin des écosystèmes(Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2019).

Activer les filières de transformation locales

La France, couverte à 30% de forêts, possède la 4ème plus grande superficie forestière d’Europe(Office National des Forêts, 2021). Pourtant, moins de 50% du bois produit chaque année est récolté. En cause : le morcellement des forêts en de multiples propriétés, la part majoritaire de forêts privées et la faible portion de résineux intéressant les industriels(Fédération Nationale du bois, 2021).

Le pays peine à se positionner sur les secteurs créateurs de valeur. Importer un produit transformé à l’étranger reste moins cher que de le produire localement(BOTREL, 2015), raison pour laquelle la France, 3ème producteur européen de bois ronds (grumes) en termes de valeur, exporte la matière première et importe des produits à forte valeur ajoutée (panneaux, meubles, papiers, cartons). Cette économie a engendré en 2020 un déficit du commerce extérieur de 7 milliards d’euros(AGRESTE, 2021). Le développement de filières de transformation nationale permettrait de réduire les importations de produits, de transformer localement le bois et d’atteindre une meilleure balance économique et carbone.

Déployer les potentialités de la construction bois

La construction en bois est un atout majeur pour relever les défis du changement climatique et diminuer les émissions du secteur de la construction. Mais ces bénéfices carbones ne pourront avoir lieu qu’à travers une approche systémique incluant amélioration de la longévité du bâti, gestion durable des forêts, développement des filières de transformation et intégration des produits de construction bois à la réglementation française.

 

Laélia Vaulot, Responsable Stratégie Environnementale chez PCA-STREAM

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