Centre de Création Contemporaine de Tours

L’art à fleur de peau

 Le Centre de Création Contemporaine (CCC) de Tours occupait des locaux vétustes et sans identité. PCA-STREAM a mené une réflexion expérimentale sur l’identité de ce lieu de production artistique, aboutissant à un projet architectural d’une seconde peau en façade. 150 lames de plexiglas rétroéclairées de leds y composent un paysage organique et mouvant interagissant avec la rue et le public, un objet hybride entre sculpture et architecture devenu l’emblème du CCC.

Une réflexion théorique

En 2003, Alain Julien-Laferrière, directeur du CCC, a invité Philippe Chiambaretta à produire une réflexion libre sur une possible intervention architecturale sur la façade du Centre de Création Contemporaine de Tours, l’un des tout premiers centres d’art crée en France, dans les années 1980. Le CCC occupait des espaces inadaptés à l’activité et au prestige d’une institution organisant des expositions monographiques d’artistes internationaux. Un problème d’identité et de visibilité se posait également, en raison de son ancienne façade de garage au pied d’un immeuble des années 1960. La réflexion théorique portait sur le mode d’expression architecturale d’un centre d’art dans l’espace urbain. Cette demande rejoignait des préoccupations essentielles pour l’agence autour de la fonction communicante de l’architecture et de son instrumentalisation possible au regard des nouveaux liens entre culture et économie, thème central de la revue Stream 01, Exploration.

Un process expérimental

En réponse à l’expérimentation artistique produite par le CCC, PCA-STREAM a développé en dialogue avec Alain Julien Laferrière une démarche expérimentale sur plusieurs années. Une première maquette conceptuelle, réalisée en 2003, a donné lieu à une exposition publique interactive en 2004, « Game Over Architecture », puis en 2006 à la conception et réalisation du projet de façade inauguré en 2007. « Game Over Architecture », conçue en 2004 pour le Project Room du CCC, mettait l’accent sur l’interactivité ludique entre le spectateur, l’installation fonctionnant sur le principe du jeu vidéo. Au travers d’un dispositif de mixage visuel et sonore, le visiteur avait la possibilité d’explorer les codes de l’architecture à échelle humaine, de les combiner et de les déformer au moyen de tapis de jeu. Sa déambulation influant sur les compositions visuelles projetées, il était invité à composer sa propre architecture, à participer à une création dynamique. L’exposition se faisait laboratoire de la façade à venir. La forme finale procède in fine du process, dans un projet où, comme l’affirme Marie-Ange Brayer, « la dimension processuelle l’emporte sur l’objet figé, pour s’ouvrir aux actants ».

Une double peau organique et interactive

Le dispositif procède par analogie avec la relation intérieur/extérieur observée dans le fonctionnement d’une membrane cellulaire en biologie moléculaire. Cette approche morphogénétique révèle un théâtre synesthésique qui interagit de façon presque chorégraphique avec les déambulations des passants. Jouant le rôle d’interface, elle renferme entre les deux peaux des dispositifs multimédias qui diffusent le travail du centre. Le projet redéfinit ainsi l’architecture au-delà des catégorisations typologiques ou des polarités intérieur/extérieur. Il fonctionne comme une greffe de peau qui estompe la frontière entre le bâtiment et la rue, l’institution et ses usagers, l’art et le public, affirmant la place nécessaire de l’art dans la ville, tout en apportant au CCC une identité forte et efficace.

 

La façade existante remplissait déjà les fonctions traditionnelles d’isolation et de protection. Nous nous sommes donc concentrés sur la création d’une seconde peau couvrant la façade repeinte en noir. Des lames de plexiglas rétroéclairées par des leds sont disposées parallèlement le long du mur. Des diodes lumineuses créent un jeu de réverbérations et unissent la surface. Le principe était de créer une surface de contact avec le public qui réagisse aux sollicitations physiques. Cette forme complexe et sinueuse, serpentant le long du trottoir, devient une membrane fluide et perméable dont l’aspect est déterminé par les forces entrantes et sortantes, le flux des visiteurs produisant des déformations d’aspect organique sur celle-ci.

Un paysage architectural hybride

Découvrant dans la ville cette étrange installation, le visiteur éprouve physiquement une matière à la fois virtuelle et sensible. Par le recours aux nouveaux modes computationnels de conception et de production, cette membrane lumineuse vise à estomper les frontières entre l’objet et son environnement. Elle est tout à la fois voile structurel et ornemental, organique et numérique, virtuelle et physique, concrète et mentale. Sa perception ne se cristallise pas en une forme définitive, mais se modifie selon le point de vue du spectateur et les conditions environnementales. Le faisceau de lignes lumineuses compose une surface virtuelle ondulante, un paysage imaginaire discontinu et mobile, créant des phénomènes inattendus. Le spectateur assiste au déploiement d’une surface topographique, tantôt relief découpé tantôt volume virtuel en expansion à partir du substrat noir du mur. La façade est productrice d’atmosphères, tout à la fois graphe et nébuleuse. Ses striures de lumière forment un espace travaillant les vides et les pleins, s’inscrivant dans l’interstice et le mouvant. PCA-STREAM a ainsi conçu pour le CCC de Tours une œuvre conceptuelle, une seconde peau au statut hybride à mi-chemin entre sculpture et architecture, évoquant certaines pratiques de l’op’art ou les recherches de l’art relationnel dans sa dimension interactive.

Informations

Client Ville de Tours
Programme Création d'un centre d'art contemporain
Localisation Jardin François 1er, 37000 Tours
Mission Complète
Surface 1000m²
Budget 250 000 € HT