Le care : une attitude de soin pluriscalaire

  • Publié le 7 octobre 2021
  • Sandra Laugier
  • 12 minutes

La remise en cause générale des logiques de domination, comme la crise pandémique, qui a révélé l’importance des professions du quotidien, donne une nouvelle actualité à l’éthique du care, qui recouvre une attitude générale de soin et un ensemble de professions et pratiques invisibilisées. La philosophe Sandra Laugier, qui a popularisé la notion en France, retrace la façon dont ses racines sont liées aux luttes féministes cherchant à faire entendre une autre voix, dans l’opposition entre une filière morale du bien et du mal (plutôt masculine et valorisée), face à une morale de la responsabilité (féminine et déconsidérée). Le care offre ainsi un cadre philosophique systémique permettant de prendre en compte la vulnérabilité et la responsabilité à toute échelle, du foyer jusqu’à la planète.

Vous avez popularisé en France la notion d’éthique du care, venue d’Amérique du Nord et des études féministes. En quoi consiste-t-elle ?

Il n’y a en effet aucun mot français qui recouvre à la fois l’attitude de soin envers autrui et tout un champ de professions indispensables à la société, c’est-à-dire l’ensemble des métiers qui assurent le quotidien des autres : le personnel médical évidemment, mais aussi les caissier.ère.s, les livreur.euse.s, les hommes et femmes de ménage, les baby-sitters, les chauffeur.euse.s, les manutentionnaires, les postier.ère.s, les ouvrier.ère.s, les professeur.e.s, les agriculteur.e.s ou maraîcher.ère.s, etc. Autant de métiers indispensables à la société et dont nous nous sommes rendu compte de l’importance lors du confinement du printemps 2020, à la différence de ceux « dont on peut se passer » en situation de crise.

Le travail du care est souvent lié à une offre de service, d’où l’ambivalence de ces professions. Il y a quelque chose de beau et de généreux dans le mot « service », qui relève de l’attention, de la solidarité, mais il y a également l’idée d’être « au service » des autres, ce qui fait que le travail fourni est considéré comme acquis, ce qui le dévalue énormément, quand il ne le rend pas gratuit. Les professions du care sont aujourd’hui très peu valorisées et parfois même volontairement invisibilisées. Bien qu’une attention nouvelle ait été portée aux care givers, au travers de gestes de reconnaissance dont le plus célèbre est l’applaudissement aux soignants, nous devons bien constater la persistance d’un traitement social inégalitaire. Derrière ces remerciements se cache la reconnaissance de la « mise au service » de toute une population. La réception de cette gratitude a d’ailleurs parfois été pénible pour le personnel de soin, qui aurait préféré voir ses conditions de travail s’améliorer et de véritables mesures de valorisation être engagées. La prise de conscience de l’importance de ces métiers n’a pas été suffisante pour remettre en cause les hiérarchies établies de la société et, quelques mois plus tard, plus aucun applaudissement ne se faisait entendre. Nous avons ainsi assisté à une visibilité brutale suivie d’un oubli immédiat.

Ces mécanismes de visibilité/invisibilité ont été très largement étudiés, notamment au sujet des minorités ethniques. Ils révèlent l’empressement, lorsque quelque chose devient visible, de l’invisibiliser. Mais cela a au moins permis de mettre en avant le déni du monde occidental sur la manière dont la vie des personnes privilégiées est dépendante de la mise au service de toute une catégorie de la population. Ce sont ceux qui paraissent le plus autonomes qui sont en réalité les plus dépendants. Un businessman aura, par exemple, une secrétaire, une femme de ménage, une baby-sitter, une épouse qui prendra en charge certaines tâches du quotidien familial, etc. Une businesswoman aura également toute une troupe à son service pour aider à sa réussite. Nous voyons ainsi se construire une bulle d’assistance nécessaire à l’acquisition d’autonomie.

L’idée du care réapparaît aujourd’hui avec un nouvel écho, mais la question de l’attention à autrui est ancienne. Elle a été théorisée dans les années 1980 par Carol Gilligan, une psychologue qui s’intéressait au développement moral chez les enfants, notamment en fonction de leur genre. Le care trouve ses racines dans l’observation des réponses élaborées respectivement par une petite fille et un petit garçon à un dilemme moral appelé « le dilemme de Heinz » : face à la maladie d’un parent en situation de précarité, un enfant se rend à la pharmacie pour tenter de se procurer un médicament dont le prix est largement au-dessus des moyens du foyer. Devant une telle situation, les réponses du petit garçon et de la petite fille diffèrent. Le petit garçon va penser voler le médicament, en justifiant cet acte par la supériorité de la vie sur la propriété, tandis que la petite fille songera aux répercussions aggravantes pour la famille que cet acte pourrait générer. Elle tentera plutôt de convaincre le pharmacien et de négocier en lui expliquant la situation. Cette réponse est souvent considérée comme confuse et peu morale, tandis que celle du petit garçon, en établissant un nouveau droit, a tendance à être considérée comme la bonne. Carol Gilligan se fonde sur cette différence d’appréciation pour révéler la dévalorisation d’un style de raisonnement moral, pourtant essentiel, qui consiste à prendre en compte l’ensemble des données d’un problème. On découvre là une éthique beaucoup plus centrée sur la responsabilité que sur le bien, le mal et le devoir.

Ainsi se profilent deux filières morales distinctes : l’une, majoritaire, que ce soit en droit ou en philosophie, que l’on peut qualifier de « masculine », et une seconde, souvent déconsidérée, que l’on peut qualifier de « féminine ». Évidemment, cela ne veut pas dire que tous les hommes suivraient un type de raisonnement et toutes les femmes un autre, mais cela dessine des orientations et des schémas de pensée construits socialement, les femmes étant encouragées dans certaines attitudes dévalorisées pour les hommes. Dans son livre A different voice1, qui fut un énorme succès aux États-Unis dans les années 1980, Carol Gilligan souligne l’importance d’entendre cette « voix différente ». Le fondement du care est donc féministe, puisqu’il fait le constat de l’existence de cette voix qui n’est pas entendue, celle des femmes en général. Il sort d’une vision classique de la morale en invitant à reconsidérer une réponse perçue comme trop personnelle et confuse, ayant participé à l’exclusion des femmes du discours public, moral et politique. Ces inégalités d’appréciation persistent, et Carol Gilligan soutient dans son récent ouvrage Pourquoi le patriarcat ?2 que celui-ci se maintient par l’interdiction faite aux hommes de formuler un certain type de discours.

L’éthique du care recouvre le souci des autres, ce qui le rattache étroitement au souci de soi et à une forme d’individualisme. Il s’agit d’une dimension fondamentale, car un individu dans l’oubli de soi ou en situation de dévouement total ne sera pas en mesure de prodiguer du soin. L’individualisme a pourtant une connotation péjorative, sous-tendant des attitudes narcissiques et égoïstes. Mais il relève également de l’individualité, de ce qui nous distingue de l’autre. Puisque nous ne pouvons avancer moralement qu’en s’ancrant dans notre individualité, en trouvant notre propre voix, cet individualisme « perfectionniste » devient indispensable à la démocratie. Il consiste à s’appuyer sur la spécificité de chacun pour lier souci des autres et souci de soi.

Même si la prise en compte de l’altérité était déjà établie chez Kant, avec la réflexivité, l’idée neuve portée par le care est celle de l’expression des affects comme moralement pertinente. Le care est ainsi cette forme de disposition morale, à l’écoute des personnes et de leurs sensibilités, tout autant que de leurs besoins particuliers. La notion de besoin, qui varie selon les personnes et les situations, est en effet centrale dans cette éthique. Il est impossible de décider de la bonne conduite morale à tenir à partir de principes généraux appliqués à une situation particulière. La décision doit venir d’une observation de la situation elle-même. C’est en cela que le care, tout comme l’architecture, engage une approche philosophique « contextualiste ».

Nous assistons à une convergence des luttes : femmes, invisibilisé.e.s de la société, environnement… Le care joue-t-il à toutes les échelles, de la plus locale à la plus globale, de la même manière ?

Le soin aux autres, corollaire du soin du contexte, ne peut en effet pas être isolé du soin de l’environnement. Le care s’applique néanmoins en priorité à l’échelle locale, ce qui aura ensuite des effets sur l’échelle globale. Il est important de noter que, quel que soit le domaine du care, l’attention aux personnes ou à l’environnement, il est fractionné territorialement. Prenez l’exemple du foyer : le féminisme de la première vague cherchait à obtenir l’égalité des droits, en rappelant qu’à l’image de l’espace public la sphère privée est politique, au sens où elle est également le lieu d’enjeux d’égalité. Mais nous nous apercevons aujourd’hui que la réussite professionnelle d’une femme passe en fait par le report sur d’autres femmes de l’abandon d’un certain nombre de tâches domestiques dont elle avait la charge. Ce nouveau partage a finalement très peu impacté les hommes, puisqu’ils n’ont en moyenne accru que de six minutes en un siècle leur temps dévolu aux tâches domestiques. Le travail domestique est donc délégué, outsourcé à d’autres femmes venant généralement des pays du Sud. On parle de la fuite du care, de care drain, comme on parle de celle des cerveaux. Nous assistons ainsi à des migrations de personnes qui se mettent au service des autres, une forme d’exploitation des ressources humaines tout à fait parallèle à ce que nous observons sur le plan environnemental. Le nombre de femmes migrant pour le travail a ainsi dépassé au xxie siècle celui des hommes, qui étaient pourtant à l’origine la principale force de travail. Les migrations du care sont parmi les plus importantes et restent soumises à des processus inégalitaires globaux.

Pour ce qui est de la question environnementale, elle est très étroitement liée à l’attitude de soin, généralement prodiguée par les femmes, ce qui se traduit dans les réflexions et revendications écoféministes. La préoccupation de l’environnement ne recouvre en effet pas seulement la nature au sens abstrait, le sauvage, la biodiversité, ce que j’appelle « l’environnementalisme du riche », mais elle est étroitement corrélée avec des préoccupations quotidiennes. Il s’agit de s’inquiéter de l’exploitation à outrance des ressources, de l’assèchement de sources d’eau ou de la pollution des sols rendant inhabitables certaines terres pour la vie de tous les jours. La préservation globale de l’environnement ne peut passer que par des actions du quotidien, via la mise en place d’habitudes de vie et de consommation. Les idées et décisions abstraites, dont la perception des effets immédiats est insaisissable, ne peuvent avoir de véritable impact sur nos écosystèmes. Il n’y a que dans le quotidien que nous pouvons réellement changer la face de l’environnement.

Ce souci environnemental – qui passe par le local et la compréhension de la dégradation du paysage quotidien – a ainsi très largement été porté par des femmes, pour la simple raison qu’au niveau global ce sont les femmes qui assument l’alimentation et la production de nourriture. De ce fait, elles sont en première ligne des désastres écologiques et de leurs répercussions. Sans compter que c’est majoritairement aux femmes que revient la tâche de s’occuper des enfants et des personnes vulnérables dans les communautés. C’est donc elles qui vont en premier se préoccuper d’avoir un environnement correct, vivable, sain. Je pense notamment à Vandana Shiva ou aux Indiennes de Plachimada, qui se sont enchaînées aux arbres pour lutter contre l’installation d’une usine Coca-Cola responsable de l’assèchement des nappes phréatiques. Ce sont ces femmes, chargées sur le terrain d’aller puiser l’eau, qui ont les premières compris la menace.

De façon générale, les préoccupations écologiques naissent d’une disposition morale au souci d’autrui qui est indéfectiblement lié au souci du proche, de la maison, et donc à la condition féminine. Les termes « écologie » et « économie » partagent d’ailleurs le même oikos, la préoccupation du cadre de vie. Et qui se préoccupe du cadre de vie ? Les personnes qui y sont constamment impliquées et qui le produisent : les femmes.

Cette approche par le care conduit-elle à une morale ou à des modes d’action particuliers ?

Il est intéressant de voir la manière dont les femmes, mais également une large part des invisibilisés de la population, œuvrent à l’amélioration de l’environnement quotidien. Cela remet en question la notion même de morale. Dans son acception classique, elle correspond à l’impartialité, qui consiste à s’extraire des situations particulières pour les traiter de manière égalitaire. De ce point de vue, il faudrait avoir les mêmes exigences environnementales pour tous les pays, y compris ceux qui ont subi la pollution des autres. Mais ce traitement « équitable » est précisément ce que nous devrions questionner, car il ne tient pas compte de la situation géographique et historique.

Le care entre donc très vite en tension avec des questions morales fondamentales autour des principes d’équité et d’impartialité. Il me semble essentiel, sur le plan moral, de se rendre compte qu’il y a des inégalités extrêmement ancrées qui nécessitent, si nous voulons travailler à les réduire, d’être inégalitaire ou d’agir de façon différenciée. Les débats très tendus autour du décolonial ou du mouvement Black Lives Matter soulèvent nombre de questions pour lesquelles le monde occidental, théoriquement dominant, a imposé ses critères de pensée, et par là même son éthique, sa politique et sa vision du monde. L’éthique du care et les études décoloniales mettent en lumière l’existence d’injustices historiques dans la façon dont les pays ont été traités. Il n’y a là rien de révolutionnaire au fond, tout le monde en est conscient, mais ces inégalités persistent pourtant, semblant comme intégrées. Le confinement l’a souligné, notamment au travers du taux de mortalité selon l’appartenance ethnique, y compris en France, qui révèle à quel point certaines populations étaient plus exposées que d’autres, de par leur distribution géographique, la nécessité d’emprunter les transports en commun, l’éloignement du lieu de travail… et à quel point elles ont été considérées comme expendables, utilisables à merci, comme négligeables. En région parisienne, les populations vivant en Seine-Saint-Denis étaient ainsi surreprésentées dans les transports – lieux de contamination – durant l’épidémie, parce qu’il s’agissait de personnes accomplissant des tâches ne pouvant être faites à distance. Le slogan Black Lives Matter l’exprime parfaitement, il y a des vies qui comptent moins que d’autres, et c’est encore plus évident au niveau global.

Le nombre impressionnant de morts en Méditerranée ces dernières années semble notamment avoir été traité avec moins d’importance que des morts plus proches, au cours d’attentats par exemple. Cela pourrait paraître naturel, puisque le care consiste d’abord à se préoccuper du proche, mais il nous enseigne également cette extension de la préoccupation, de la maison vers l’environnement et les personnes étrangères. Il s’agit ici, comme dans le dilemme de Heinz, d’engager notre responsabilité et de raisonner en termes bien plus égalitaires et démocratiques vis-à-vis des relations que nous entretenons avec des personnes éloignées. Le principe est d’adopter une vision systémique pour s’extraire du « midi à sa porte ». Fondamentalement, le care n’est pas seulement le souci du proche, c’est un lien et un souci global, déterritorialisé.

Pour ce qui est des modes d’action, un des moyens de résistance propre au care est bien sûr la désobéissance civile. C’est un mode d’action devenu central dans la lutte pour la préservation de l’environnement, mais également privilégié par les féministes ou les catégories raciales discriminées, car la désobéissance civile est précisément l’outil de ceux qui n’ont pas la parole dans le cadre politique classique. Elle permet ainsi de mettre au jour une situation injuste dans le débat public. Il faut ici souligner qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle action illégale, mais d’une démarche allant à l’encontre de la loi pour en montrer l’injustice fondamentale, et toujours en respectant le grand principe de la non-violence. Ce type d’action collective pacifique vise, par la provocation, à dévoiler la violence d’une situation ou d’un État, visible dans la façon dont il cherchera à la réprimer. Un bel exemple est celui de Cédric Herrou qui, en étant traduit en justice pour avoir aidé des migrants, révèle une situation injuste.

En ce qui concerne l’environnement, il est en revanche plus difficile de s’attaquer à un adversaire identifié. Il est évidemment possible de s’en prendre aux grandes entreprises, mais le lien avec les politiques est moins direct, puisqu’aucune loi n’oblige à polluer. L’action passe alors par le fait d’occuper des lieux, de s’enchaîner aux arbres ou de décrocher les portraits de chefs d’État, un ensemble de gestes symboliques qui n’ont en soi rien d’illégal.

Le care a longtemps été considéré comme du « sentimentalisme nunuche », mais nous réalisons aujourd’hui qu’il représente un outil à la fois conceptuel, analytique et de délibération qui permet de prendre en compte la vulnérabilité et la responsabilité. Ces concepts apparaissent plus fondamentaux que jamais dans un monde marqué par le « chacun pour soi » et une indifférence radicale publiquement exprimée par des chefs d’État comme Trump ou Bolsonaro, qui ne portent pas de masque face au Covid, ou considèrent que le réchauffement climatique n’existe pas… Cette mise en scène du
I don’t care assumé ne fait qu’exacerber le ressentiment des personnes dont la valeur sociétale est déconsidérée. Je suis ainsi intimement persuadée que le care n’est pas seulement un outil moral, mais également un outil politique, étroitement lié à l’idée de démocratie.

Vous avez contribué au pilotage de la mission pour l’interdisciplinarité au CNRS de 2011 à 2017. En quoi cet impératif méthodologique et théorique peut-il servir l’intelligence de l’action concrète en matière de care ? 

Je suis convaincue que l’interdisciplinarité est absolument cruciale, notamment parce qu’elle permet de créer des interactions entre les sciences sociales et humaines, d’un côté, et les sciences dites « dures », de l’autre. Il est assez courant pour une philosophe comme moi de travailler avec des sociologues ou des psychologues, mais il est en revanche beaucoup plus inhabituel, alors que c’est tout aussi essentiel, d’intégrer les sciences sociales dans le traitement de certaines problématiques scientifiques. Nous en sommes même très loin. La catastrophe de Fukushima venait d’avoir lieu à l’époque de cette mission, et la question était principalement abordée du point de vue de la physique et de la chimie du nucléaire, alors que le principal sujet était selon moi humain.

Cela vaut pour nombre de problématiques, notamment celles soulevées par les technologies du vivant, l’intelligence artificielle ou, plus récemment, par le Covid, dont les conseils scientifiques ne sont constitués quasiment que de médecins ! Ne pas inclure l’ensemble de la société dans le débat me semble profondément antidémocratique et très peu holistique. Au cours de cette mission au CNRS, j’ai donc œuvré pour impliquer les personnes concernées dans le processus de décision au travers de mécanismes de participation et de sciences participatives. Je me suis battue pour que la seule forme d’expertise ne soit pas l’expertise scientifique et pour que l’on reconsidère celles des sciences sociales, de l’histoire ou de la philosophie.

Nous vivons dans un monde où des menaces humaines mettent en péril les humains. Au-delà de l’avenir de la planète, qui survivra très bien sans nous, la priorité est bien de protéger l’humanité. Les sciences humaines et sociales doivent donc avoir un rôle central dès lors que les décisions à prendre concernent les humains, même s’il s’agit d’envoyer quelqu’un sur Mars. Dans le cas de Fukushima, par exemple, il est clair qu’une part des causes de l’accident est liée à l’exploitation d’un territoire au service de la région de Tokyo en s’appuyant sur une population « ayant moins de valeur » qu’une autre. Il est impossible de saisir la complexité d’une situation, y compris lorsqu’il s’agit d’accident ou de catastrophe, sans prendre en compte un ensemble de données invisibilisées et considérées comme secondaires. Nous en revenons toujours à l’idée que l’attention et l’analyse du contexte, pour envisager la vulnérabilité et la responsabilité, sont indispensables à la résolution d’un problème, qu’il soit scientifique ou social.

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