Métropole malléable et adaptable : vers un urbanisme temporaire et temporel

  • Publié le 19 avril 2017
  • Luc Gwiazdzinski

La planification urbaine, sous l’impulsion du modernisme, a longtemps été envisagée sous le seul angle de l’espace, les politiques temporelles restant le parent pauvre des politiques publiques. Les mutations en cours de nos rapports à l’espace-temps plaident aujourd’hui pourtant pour un renversement de ces valeurs. Luc Gwiazdzinski nous explique les raisons pour lesquelles il théorise un plus grand recours aux leviers temporels face aux enjeux du développement urbain durable, insistant sur les notions d’urbanisme temporaire et temporel, tout en promouvant une métropole malléable et adaptable.

Luc Gwiazdzinski est géographe, directeur du Master Innovation et Territoire à l’IGA (Université Grenoble Alpes), professeur associé à la Shanghai University, et président fondateur du pôle de recherche et d’expérimentation sur les arts urbains (Polau).

Le temps, « signification que les collectivités humaines ont donné au changement »TABBONI, S. Les temps sociaux Paris: Armand Colin, 2006., est une clé d’entrée essentielle pour la compréhension, la gestion des sociétés et un enjeu collectif majeur pour les hommes, les organisations et les territoires. Dimension naturellement inscrite dans l’approche du développement durable qui « répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures »Notre avenir à tous (Our Common Future), Rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement de l’Organisation des Nations Unies, 1987, le temps reste pourtant une clé de lecture ou d’action, un levier moins mobilisé que ceux de l’énergie ou de l’espace dans la fabrique et la gestion de la ville et des territoires.

Mais les temps changent. Les mutations qui affectent les espaces et les temps de nos villes, les désynchronisations, tensions et inégalités engendrées obligent les différents acteurs et organismes à s’adapter. Au-delà des premières réponses individuelles et collectives, elles interpellent plus globalement le chercheur, l’urbaniste et l’édile en l’incitant à changer de regard, pour penser, concevoir et gérer la ville en prenant en compte de manière simultanée la matérialité urbaine, les flux et les emplois du temps, afin d’imaginer ensemble des métropoles plus humaines, accessibles et hospitalières.

Elles nous invitent à développer les outils d’un urbanisme des temps et à réfléchir autour de la figure stimulante de la « ville malléable » GWIAZDZINSKI, L. “Redistribution des cartes dans la ville malleable.” Espace, Population, Sociétés, no. 2007–3, de la polyvalence et de la modularité des espaces et des bâtiments selon les moments de la journée, de la semaine ou de l’année. Cette réflexion sur la ville durable vise notamment à limiter la consommation d’espace, à diminuer les consommations énergétiques et à maintenir l’intensité urbaine et le lien social.

Un enjeu central

S’il est banal d’évoquer les relations espace-temps de façon philosophique ou par rapport à la physique, l’approche de la ville et du territoire en termes d’espace-temps est beaucoup plus rare. Pourtant, la société urbaine, comme toute société, produit un système temporelSOROKIN, P. A. Sociocultural Causality Space, Time: A Study of Referential Principles of Sociology and Social Science. New York: Russell and Russell, 1964.

qui résulte de la combinaison des activités sociales qui s’y déroulent. Le temps n’est qu’une convention, « mesure abstraite de choses concrètes » SUE, R. Temps et ordre social. Paris: PUF, 1994., produit d’activités sociales qu’il permet de mesurer, de rythmer et de coordonner. La vie sociale s’écoule dans des temps multiples, souvent divergents et contradictoires, dont l’unification relative est précaire et qu’il convient d’appréhender.

Un long oubli

Le temps est longtemps resté le parent pauvre des réflexions sur le fonctionnement, l’aménagement ou le développement des villes et des territoires au bénéfice des infrastructures. L’aspect matériel a pris le dessus, sur l’aspect humain cantonné aux politiques sociales. Le hardware a été préféré – voire opposé – au sofware. Il y a peu de métiers ou de formations sur le temps alors qu’il y a tant de spécialistes de l’espace. Jusqu’à présent, on a surtout aménagé l’espace pour mieux utiliser le temps.GWIAZDZINSKI, L. “Le temps a rendez-vous avec l’espace.” In Espaces, temps, modes de vie, nouvelles cohérences urbaines, report of the 22nd Rencontres de l’urbanisme (FNAU), 2001. GWIAZDZINSKI, L. Les territoires et les organisations à l’épreuve de l’hybridité. Paper presented at the TTT3 international symposium, Grenoble, March, 28–29, 2012.

La démarche inverse qui consiste à aménager le temps afin d’exercer un effet sur l’occupation de l’espace est moins courante. On a longtemps privilégié l’analyse des modalités de la formalisation du changement urbain, le temps long du devenir de la ville, « au détriment d’une approche qui aurait visé à fournir les éléments d’une typologie susceptible d’ordonner les diversités des temps sociaux urbains et leur combinaison »LEPETIT B. and D.PUMAIN, « Temporalités urbaines ». Paris : Anthropos, 1993.

Un être vivant

Il faut rappeler que les villes ne sont pas des structures figées. Une des métaphores classiques consiste à les comparer à un être vivant qui évolue en fonction des événements historiques, sociaux, politiques ou culturels. Des changements perpétuels modifient la matérialité urbaine (construction, destruction), affectent l’espace économique et social (apparitions de nouvelles activités, nouveaux groupes, nouvelles pratiques), l’espace juridique (interdictions, privatisation des espaces) ou politico-administratif (modifications de circonscriptions). La vie sociale s’écoule dans des temps multiples, toujours divergents, souvent contradictoires, et dont l’unification relative, liée à une hiérarchisation souvent précaire, représente un problème pour toute sociétéGURVITCH, G. “La multiplicité des temps sociaux.”In La vocation actuelle de la sociologie, Vol.1, pp.325-40. Paris : PUF, 1963.. La ville tout entière est un univers éphémère, fragile et fugitif difficile à saisir, un labyrinthe qui évolue dans le temps et dans l’espace selon des rythmes quotidiens, hebdomadaires, mensuels, saisonniers ou séculaires, mais aussi en fonction d’évènements, d’accidents et d’usages. Les horaires et les calendriers d’activités donnent le tempo, règlent l’occupation de l’espace et dessinent les limites de nos territoires vécus, maîtrisés ou aliénés. Les usagers de la ville n’occupent pas seulement des espaces mais aussi des temps. Si la matérialité urbaine, cette carapace artificielle de l’homme constituée par les bâtiments, évolue lentement, des populations s’y succèdent selon des rythmes et des temporalités diverses, souvent difficiles à articuler GWIAZDZINSKI, L. “Le temps a rendez-vous avec l’espace.” In Espaces, temps, modes de vie, nouvelles cohérences urbaines, report of the 22nd Rencontres de l’urbanisme (FNAU), 2001.. Certains espaces s’animent, d’autres s’éteignent, certains se vident alors que d’autres s’emplissent, certains ouvrent alors que d’autres fonctionnent en continu.

Des mutations rapides

Les rythmes de nos vies évoluent rapidement sous l’effet conjugué de nombreux phénomènes. Nous vivons désormais 700 000 heures. En moins d’un siècle, l’espérance de vie s’est accrue de 60 % et le temps de travail a été divisé par deux. Le temps libre a été multiplié par cinq, représentant quinze années de la vie d’un hommeVIARD, J. Nouveau portrait de la France – La société des modes de vie. Paris: l’Aube, 2012.. Le temps de sommeil a diminué. La ville en continu 24h/24 et 7j/7 n’est plus seulement une figure de style et ses conséquences ont été analyséesGWIAZDZINSKI, L. “La ville la nuit : un milieu à conquérir.” In L’Espace géographique des villes, pp. 347–69. Paris: Anthropos, 1998.GWIAZDZINSKI, L., La ville 24h/24, pp. 239–43. Paris: L’Aube, 2002. GWIAZDZINSKI, L. La nuit dernière frontière de la ville. Paris: L’Aube, 2005.. La société revoie ses nycthémères et la cité est transformée. Par rapport à ces évolutions, l’individu devient de plus en plus mobile. Il est poly-topique : il a plusieurs lieux. Il est poly-actif : il a un portefeuille d’activités plutôt qu’un seul métier. Il est de plus en plus instable : en famille, au travail, dans ses localisations. Il est de plus en plus hybride et imprévisible alors que l’offre urbaine reste relativement statique et rigide.

Ces mutations ont transformé radicalement notre rapport à l’espace et au temps, changé les rythmes de nos vies et de nos villes BAILLY, J.-P., and E. HEURGON. Nouveaux rythmes urbains. Paris: l’Aube, 2001., faisant éclater les cadres spatio-temporels classiques de la quotidienneté et les limites des territoires et des calendriers d’usage. Étalement des activités, fragmentation des espaces et des temps se conjuguent pour recomposer de nouvelles pratiques, contraintes et opportunités pour la ville et les individus. Dans un étrange renversement, l’agitation, la mobilité, l’urgence et la vitesse se sont installées comme de nouvelles valeurs. En l’absence de sens, seuls le bruit – voire la violence – et la vitesse permettent d’éprouver le temps présent sur place et dans l’instant. Ce besoin d’exister masque mal les difficultés d’une société malade du temps à visiter les passés, à nous projeter et à construire ensemble dans la durée. Ce «néo-situationnisme» est la marque d’un présent émotionnel dans lequel nous semblons incarcérés et dont certains proposent de se «libérer  »EMMANUELLI, X. “Se libérer du present.” In.

Unifiés par l’information, les hommes n’ont jamais vécu des temporalités aussi disloquées. L’accélération, l’émergence d’un temps monde, l’éclatement des temps sociaux et la désynchronisation mettent en compétition les hommes, les organisations et les territoires. Entre le consommateur qui voudrait profiter de la ville en continu et le salarié qui aimerait éviter de travailler en horaires atypiques, chacun devient un peu schizophrène. Confrontés à cette désynchronisation, nos emplois du temps craquent. Chacun jongle avec le temps entre sa vie professionnelle, familiale et sociale, son travail et ses obligations quotidiennes. Face à la responsabilisation accrue et aux difficultés d’arbitrage, « La Fatigue d’être soi »EHRENBERG, A. La Fatigue d’être soi. Paris: Éditions Odile Jacob, 1998.guette les plus fragiles qui se sentent surmenés. À une autre échelle, les conflits se multiplient entre les individus, les groupes, les territoires et les quartiers de la « ville polychronique » qui ne vivent plus au même rythme. Plus grave, de nouvelles inégalités apparaissent entre populations, organisations et quartiers inégalement armés face à l’accélération et à la complexification des temps sociaux.

Des adaptations individuellles et collectives

Face à ces mutations et à leurs conséquences en termes de tensions, de conflits ou d’inégalités, des individus, des groupes et des territoires tentent de s’organiser en s’adaptant à différentes échelles.

Ralentissement

D’un point de vue individuel, certains ont décidé de lâcher prise, de marquer une pause ou de reprendre en main leur vie face à cette agitation et au «culte de l’urgence»AUBERT, N. Le Culte de lurgence. Paris: Flammarion, 2010, en optant pour les loisirs lents comme la marche, le yoga, le jardinage ou la brocante. Ailleurs, chercheurs et essayistes font depuis quelques années l’éloge de la lenteur alors que des réseaux comme Slow Food et Cittaslow voient le jour. En lien avec le développement de l’informatique et du web participatif, on assiste aussi au retour d’une forme d’artisanat et de pratique amateur (Flichy, 2013). D’un point de vue individuel, c’est le renouveau du «bricolage» au sens de Michel de Certeau,DE CERTEAU, M. L’invention du quotidien, Vol. 1 (arts de faire). Paris: Gallimard, 1990. qui privilégie l’idée de créativité dans les logiques d’action et peut parfois être considéré comme un art du détour, de la ruse, pour échapper à l’ordre établi et aux contraintes.

Optimisation

Technologies, partage et collaboration. Certaines technologies favorisent l’adaptation face à la désynchronisation. En l’absence de temps communs de repas ou de travail, des objets comme le congélateur, le magnétoscope, le micro-onde ou le téléphone portable permettent à chacun d’organiser sa vie à la carte. La tendance est à l’hybridation des pratiques, des temps et des espaces et aux nouveaux assemblages, alliances et collaborations: co-construction, co-développement, co-habitation, co-voiturage ou co-conception. Le travail collaboratif, qui n’est plus fondé sur l’organisation hiérarchisée traditionnelle, se développe grâce notamment aux technologies de l’information et de la communication, même si les personnes sont dispersées dans l’espace et dans le temps.

Polyvalence et hybridation. Les frontières entre les temps et espaces de travail et de loisirs s’effacent. Des « tiers lieux » émergent, qui mélangent plusieurs activités : cafés-bibliothèques, laveries-cafés, pépinières entrepreneurs-artistes, crèches installées dans les gares transformées en supermarchés, mais aussi toitures-jardins ou écomusées-lotissement.

Modularité. La tendance est également à l’optimisation de l’espace disponible, une grande enseigne suédoise propose par exemple des « solutions convertibles pour un espace limité.Aujourd’hui, en ville, l’espace moyen par personne est de 15-20m2. Il est logique que l’exploitation optimale de l’espace soit l’une de nos grandes ambitions. Bien sûr, les espaces et ressources illimités nous inspirent. Mais l’aménagement d’un espace compact est un défi plus passionnant, qui exige des solutions plus créatives », explique Mia Lundström, responsable de la stratégie d’assortissement du groupe. Les meubles modulaires, « transformables » ou convertibles sont à la mode, mobiles ou mutifonctions pour optimiser l’espace de vie: clic-clac, canapé-lit, lit-placard escamotable, chaise pliante, table basse convertible en table à manger, cubes amovibles, meubles sur roulettes. À une autre échelle, on développe des projets d’habitat modulaire qui s’adaptent au cycle de vie des résidents. Partout les constructeurs proposent une maison plus évolutive, capable de s’adapter à l’imprévu: on bouge une cloison ou on ajoute une pièce… et voilà une chambre.

Organisation de l’alternance. Traditionnellement, la ville a toujours fourni des exemples de rotation d’activités: le carnaval qui s’empare de l’espace public pour quelques heures ou quelques jours, le cirque qui s’installe sur les places, les marché sous les ponts, l’école qui accueille d’autres activités en soirée, les manèges des forains sur les places ou la rue qui devient un terrain de foot. Face à la rareté de l’espace et au besoin de rencontres, la ville s’adapte et de nouveaux usages de l’espace public se développent à différentes échelles temporelles. La fermeture des voies sur berge le dimanche, l’interdiction de la ville à la voiture en soirée (Rome), la transformation de voies en plages de sable aménagées comme pour Paris Plages, de parcs en cinémas, de places publiques en jardins d’été ou patinoires en fonction des saisons (Bruxelles), de couloirs de bus en parkings de nuit, participent de cet usage différencié de la ville et des espaces publicsGWIAZDZINSKI, L. “La ville malléable.” In Ville 2.0, pp.55–57. Paris: FYP Editions, 2006.

Optimisation des espaces et des équipements temporaires. Dans un contexte de crise économique, d’autres formes d’habitats précaires se développent au coeur même des métropoles (bidonvilles, camps…), fragiles campements de toile des sans domicile fixe ou habitats de carton qui envahissent les friches, les interstices, les entre-deux, les «espèces d’espaces» (Perec, 1974), urbains délaissés aux abords peu hospitaliers des infrastructures de transport. En 2006, 85 000 personnes (INSEE, RGP) vivaient dans des habitations de fortune. Une majorité d’entre elles étaient installées au camping à l’année, en réponse à l’augmentation des loyers, à l’absence de logements sociaux ou suite à des difficultés professionnelles et personnelles. Dans ce cas, la situation temporaire a tendance à se prolonger et l’équipement saisonnier se transforme en village.

Événements et dispositifs éphémères

Événement artistique. D’autres formes d’adaptations collectives sont repérables à différentes échelles dans le temps et dans l’espace, répondant notamment aux besoins de rencontre, de socialisation ou de consommation culturelle. Les calendriers de nos «saisons urbaines» se noircissent « d’événements », manifestations, fêtes ou festivals (fête des voisins, vide-grenier, brocante, fête de la musique, Nuits blanches…). Ces nouveaux rites qui célèbrent à la fois la mémoire, l’identité et l’appartenance renouvelée à la ville permettent de «faire famille» ou «territoire», d’exister dans un contexte de concurrence territoriale et de maintenir une illusion de lien social face à un quotidien diluéGWIAZDZINSKI, L. “Le temps a rendez-vous avec l’espace.” In Espaces, temps, modes de vie, nouvelles cohérences urbaines, report of the 22nd Rencontres de l’urbanisme (FNAU), 2001.GWIAZDZINSKI, L. La ville malléable : une structure urbaine adaptée aux nouvelles temporalités des usages, « Europan Forum of Cities and Juries« , Europan, Noveber 4, 2011, Oslo http://forum.europan.no/?lang=fr.. Le régime de «la métropole intermittente», pendant temporel de la figure spatiale de l’archipel, s’impose. La ville événementielle, éphémère et festive triomphe et se déploie. Le phénomène de patrimonialisation de l’espace touche désormais les temps et périodes de l’année, de la semaine ou de la journée. Hiver, été, nuit, soirées et bientôt matins, midi-deux et cinq-à-sept sont identifiés, séparés et «designés» pour construire un rythme «spectaculaire» qui s’oppose à l’arythmie. Ces événements permettent des transformations artistiques éphémères des espaces et des temps, une métamorphose de la ville à laquelle les arts, et notamment les arts de la rue sont convoqués. Les artistes s’invitent dans la ville, s’emparent de la rue pour la transfigurer. Pour quelques heures ou quelques jours, ils sculptent de nouveaux rythmes, inventent de nouveaux lieux, remplissent les blancs, transforment les espaces et les temps. L’événement tisse des liens là où il n’y en avait pas, il enchante le quotidien, transfigure le réel et humanise l’espace public pour un temps limité sans le blesser grâce à des dispositifs légers. L’événement, espace-temps éphémère et parfois cyclique, s’inscrit dans un environnement concurrentiel, s’autodétruit et rend la ville en état. Il révèle l’importance des dimensions temporelles et sensibles de la ville et l’importance d’un urbanisme et d’un aménagement qui les intègrent. Par son caractère éphémère et cyclique, par sa capacité à métamorphoser tout ou partie de la ville, à redessiner les parcours, les localisations, les centralités, il constitue un avant-poste de la prise en compte du temps et des rythmes dans l’observation et l’aménagement des villes. Ce sont également quelques exemples d’identités et de politiques « présencielles » et « situatives » où la culture notamment passe du régime de l’objet à celui de l’événement, de la matérialité à la rencontre et à l’échange.

Détournements artistiques et dispositifs éphémères. De nombreux artistes ou activistes interviennent dans l’espace public en détournant le mobilier urbain par exemple. L’acte s’inscrit dans processus de ludification incitant à la pratique de l’espace public et posant la question de sa polyvalence et de sa modularité. C’est le cas de l’artiste The WA qui a détourné une poubelle en panier de basket ou de l’association Démocratie créative à Strasbourg qui intervient pour transformer l’espace public en terrain de jeu. Le collectif Etc, qui expérimente des méthodes et des outils pour tenter de redonner sa place aux citoyens dans la fabrique de la ville, développe des aménagements temporaires dans une logique d’urbanisme participatif. Chaque année lors de l’événement Park(inG) DAY, des citoyens, artistes et activistes collaborent pour transformer temporairement des places de parking en espaces conviviaux. On peut également signaler les chaises en libre service du jardin du Luxembourg à Paris ou celle qui s’inspirent du modèle des vélos en libre service conçue par le collectif Snark pour la ville italienne de Modène. Les campements du canal Saint-Martin à Paris ou de Wall Street à New-York, ceux déployées sur les places publiques pendant les “révolutions arabes”, en Ukraine ou à Hong-kong pendant la “révolution des parapluies” sont d’autres exemples de “territorialités éphémères”, de “zones autonomes temporaires” BEY H., TAZ, L’éclat, Paris, 1991.. à visée politique. Ces différents dispositifs ajoutent la dimension de “faire ensemble” aux deux sens politique et urbanistique du mot : “sphère publique”HABERMAS J. L’Espace Public, Payot, Paris, 1978. et « espaces communs de pratiques »LEVY J. LUSSAULT M.(dir.), Dictionnaire de géographie, Paris, Belin, 2002 LIPOVETSKY G., Les Temps hypermodernes, Grasset, Paris 2004.

Premières politiques temporelles

Parallèlement à ces adaptations individuelles ou collectives, on a vu émerger les premières politiques publiques temporelles territorialisées. En France, le mouvement avait commencé au milieu des années 1970, avec une mission spéciale au sein du Ministère de la qualité de la vie, qui a oeuvré sur l’étalement des vacances, l’assouplissement du temps de travail et l’animation en milieu urbain. «Bison futé», les horaires variables, l’heure d’été, les calendriers de vacances scolaires par zone ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Au niveau local, quatorze municipalités s’étaient engagées dans des expériences d’aménagement du temps pour lutter contre les encombrements aux heures de pointe, assurer de meilleurs services, réduire le gaspillage notamment au niveau de l’utilisation des équipements collectifs et développer la convivialité dans la ville. Dans les années 1990, en Italie d’abord puis en Allemagne et en France avec l’appui de la DATAR, les pouvoirs publics ont mis en place des structures, plateformes d’observation, de sensibilisation, de dialogue, d’échange et d’expérimentation qui ont tenté de porter ces approches temporelles de la ville et des territoires. Sans beaucoup de moyens, elles ont proposé un regard temporel sur la société, de nouvelles cartographies, expérimentant de nouveaux horaires d’ouverture des services publics, des transports, participant à la mise en débats de questions comme celles de la nuit, du dimanche, dans un souci d’amélioration de la qualité de la vie. Ces initiatives locales qui concernent une trentaine de collectivitésMALLET, S. “Que deviennent les politiques temporelles?” Urbanisme, no. 376 (2011): pp. 86–89.n’ont pas permis de mettre en place une véritable politique publique du temps, mais ne doivent pas nous exonérer d’un débat plus large sur notre société où les pressions s’accentuent.

Un nouveau régime

Face à l’éclatement des espaces, des temps et des mobilités, on assiste à l’émergence d’organisations spatio-temporelles où les notions de polychronie et d’intermittence sont essentielles.

Polychronie

La flexibilité généralisée des temps sociaux alliée à la diversification des pratiques à l’intérieur de chaque temps social conduit naturellement à une fragmentation des modes et des styles de vie SUE, R. Temps et ordre social. Paris : PUF, 1994.. et à d’autres désynchronisations qui dessinent une nouvelle «carte du temps»ASHER, F., and F. GODARD. Modernité : la nouvelle carte du temps. Paris: L’Aube/Datar, 2003.. Le fonctionnement désynchronisé ou désintégré des sous-systèmes sociaux qu’Harmut Rosa qualifie de fin de la société ROSA, H. Accélération. Une critique sociale du temps. Paris : La Découverte, 2010. est plutôt la fin d’une certaine société. Par rapport à la monochronie moderne d’un temps orienté, la polychronie illustrée par le recours de plus en plus systématique à «l’agenda»BOUTINET, J.P., Vers une société des agendas, Une mutation de temporalités, PUF, 2004 semble gagner du terrain, sans pour autant totalement la supplanter. Nous avons proposé d’appeler «hyperchronie» cette structure temporelle de la société et des territoires polychronesGWIAZDZINSKI, L. Les territoires et les organisations à l’épreuve de l’hybridité. Paper presented at the TTT3 international symposium, Grenoble, March, 28–29, 2012.. La figure de l’hyperchronie propose un subtile alliage entre le calendrier et l’agenda, un mélange entre le temps présent phénoménologique du hic et nunc et le temps de l’agenda, promesses de rendez-vous et de synchronisation. L’hyperchronie est un régime temporel qui nous incite à aménager la tension entre l’éphémère d’un engagement qui nous sollicite et la simultanéité d’une pluralité d’engagement. Il nécessite un changement culturel et des outils.

Intermittence

On sait que la célébration collective et rituelle des fêtes sacrées, reconstituant et répétant l’histoire des origines a fourni les principaux repères au tempsHUBERT, H., and M. MAUSS. “Etude sommaire de la représentation du temps dans la religion et la magie.” In Mélanges d’histoire des religions. Paris: Alcan,
1929.et permis de construire les premiers calendriers. De nouvelles célébrations marquent désormais nos calendriers métropolitains. Nous esquissons la figure de « la métropole intermittente » GWIAZDZINSKI, L. La ville malléable : une structure urbaine adaptée aux nouvelles temporalités des usages, “Europan Forum of Cities and Juries,” Europan, November 4, 2011, Oslo http://forum.europan.no/?lang=fr. pour appréhender la complexité d’un système urbain où l’éclatement des temps sociaux, la multiplication de rythmes individualisés est compensée par le développement d’événements métropolitains intermittents à intensité et localisation variables qui permettent de se synchroniser et de « faire métropole ». Nous faisons de la « ville par intermittence » une figure de la ville réversible, un espace-temps éphémère et cyclique qui permet de vivre et d’expérimenter sans risque. Nous formulons l’hypothèse de « l’événement festifextraordinaire » – espace temps collectif vécu, éphémère et cyclique-, comme élément constitutif majeur de la métropole intermittente et comme « réponse périodique et temporaire » possible au besoin de rencontre, de cohésion, d’identité, d’urbanité mais aussi comme moment de lâcher prise, de réjouissance et de plaisir, lieu temporaire de ré-articulation de l’ailleurs et de l’ici, du « je » et du « nous », du local et du global, de soi et de l’autre… de l’enchantement souhaité et de l’arnaque consentie, à l’échelle des ensembles métropolitains.

Vers un urbanisme des temps et une métropole malléable

La prise en compte du temps dans la planification devient une obligation, avec des outils adaptés aux situations de communications riches, à une organisation polychrone car décentralisée et à un mode de planification ouvert.

Urbanisme des temps

S’intéresser à l’articulation de l’espace et du temps oblige à repenser le système urbain en termes de flux plus que de stocks, de temps plus que d’espace, de temporaire plus que de définitif. Il faut passer à une approche chronotopique où le «chronotope» est défini comme «lieu de confluence de la dimension spatiale et de la dimension temporelle»GWIAZDZINSKI, L. “Chronotopies. L’événementiel et l’éphémère dans la ville des 24 heures.” BAGF, 86, no. 3 (2009): pp. 345–57.. Il faut repenser les rapports de la cité et de ses usagers aux temps et aux espaces en passant de l’événementiel à l’ordinaire, de l’exceptionnel au «quotidien urbain»PAQUOT, T. Le quotidien urbain. Paris: La découverte, 2001. et construire un «urbanisme des temps» défini comme «l’ensemble des plans, organisations des horaires, et actions cohérentes sur l’espace et le temps qui permettent l’organisation optimale des fonctions techniques, sociales et esthétiques de la ville pour une métropole plus humaine, accessible et hospitalière»GWIAZDZINSKI, L. “Redistribution des cartes dans la ville malleable.” Espace, Population, Sociétés, no. 2007–3.. Nous proposons également de réfléchir à un «urbanisme temporaire» qui s’intéresse aux modes d’occupation partiels des espaces et temps de la ville et aux «calendriers» permettant de coordonner les activités GWIAZDZINSKI, L. “Chronotopies. L’événementiel et l’éphémère dans la ville des 24 heures.” BAGF, 86, no. 3 (2009): pp. 345–57.. Il est nécessaire de développer les outils de représentations spatio-temporels adaptés. On peut construire une « rythmanalyse », dont Gaston Bachelard et Henry LefebvreLEFEBVRE, H. Eléments de rythmanalyse. Paris: Syllepse, 1992. avaient bien mesuré les enjeux et imaginer une politique qui permette de vivre au sein de multiples couches rythmiques superposées naturellement en tensions. Cette approche nécessite de penser l’«architecture temporelle» de la ville BONFIGLIOLI, S. L’architettura del tempo. Naples: Liguori Editore, 1990. et des territoires comme expression à part entière de la culture urbaine, à la fois agencement des configurations temporelles et art de les imaginer, de les concevoir et de diriger leur réalisation. Elle permet d’aborder des notions comme « l’identité et la couleur temporelle » qui caractérisent un lieu dans l’espace et dans le temps et d’établir sa « signature temporelle ». Elle impose l’émergence de nouveaux professionnels, d’ « architectes des temps », de « managers de temps », de « temporalistes urbains », chorégraphes ou musiciens par exemple, chargés de mettre en musique les temps de la ville et de trouver le bon tempo.

Métropole malléable

À travers les premières formes d’adaptations individuelles et collectives recensées et à partir des outils et procédures de chrono-urbanisme qui restent encore largement à développer dans un contexte de transition, on peut imaginer les contours de la figure de la «ville malléable», une cité durable que l’on puisse façonner sans qu’elle ne se rompeGWIAZDZINSKI, L. “Redistribution des cartes dans la ville malleable.” Espace, Population, Sociétés, no. 2007–3.GWIAZDZINSKI, L. La ville malléable : une structure urbaine adaptée aux nouvelles temporalités des usages, “Europan Forum of Cities and Juries,” Europan, November 4, 2011, Oslo http://forum.europan.no/?lang=fr..
Malléabilité à différents niveaux.
La malléabilité peut être envisagée à différents niveaux de la fabrique et de la gestion de la métropole en tenant compte d’enjeux, de pratiques et de besoins évolutifs dans une logique de design territorial. Le premier niveau est celui de l’élaboration du projet en amont. La malléabilité réside dans la possibilité de remaniements ultérieurs mais aussi dans la prise en compte de l’existant. Elle nécessite des outils de dialogues, de co-construction, des interfaces de simulations capables d’assurer une bonne « imagibilité », selon l’expression de Kevin LynchLYNCH, K., L’image de la cité (trad. Marie-Françoise Vénard et Jean-Louis Vénard), Dunod, Paris, 1969., et de scènes où débattre et co-construire des projets. Le second niveau est celui de la réalisation du quartier, de l’équipement, de l’habitation ou de l’espace public qui soit flexible, adaptable, modulable face aux besoins évolutifs des usagers. Une première piste réside dans la mutabilité accrue de l’espace urbain et architectural, dans la logique d’une ville non finie. Il faut envisager une plasticité de la ville par rapport à l’évolution des usages car «une société ne se glisse pas dans la ville à la manière du bernard-l’ermite dans sa coquille» LEPETIT B., and D. PUMAIN. Temporalités urbaines. Paris: Anthropos, 1993.. Une piste réside dans la mise en place d’équipements modulables, adaptables par leurs formes, leur souplesse ou leur fragilité aux nouveaux besoinsGWIAZDZINSKI, L., La ville éphémère, festive et événementielle, in « Tourisme urbain, patrimoine et qualité urbaine en Europe », Conférence nationale permanente du tourisme urbain, pp.17-26, 2010.. Le troisième niveau est celui des usages par les citoyens de l’infrastructure existante. Il s’agit de laisser à la population une possibilité d’utiliser autrement des infrastructures existantes ou d’assurer le caractère multifonctionnel des espaces créés à différentes échelles. Une piste est fournie par des opérations comme Paris Plages.

Dispositifs et règles dans l’espace collectif. La ville malléable prend en compte l’évolutivité permanente et multiscalaire des usages dans le cadre d’une réflexion sur la ville durable qui vise notamment à limiter la consommation d’espace et à maintenir l’intensité urbaine. La ville malléable permet l’optimisation spatiale par la polyvalence, la modularité et l’usage alterné de l’espace public et des bâtiments à différentes échelles temporelles (de l’année à la journée en passant par les saisons) et spatiales (de l’habitation à l’agglomération en passant par le quartier et la rue). La ville malléable nécessite le déploiement d’un certain nombre de dispositifs: un mobilier urbain qui soit adaptable, modulaire et convertible, une signalétique en temps réel permettant de changer d’usage au cours du temps ; un nouveau design de la ville et surtout une co-conception à chaque étape. Ce n’est pas la ville 24h/24, ce n’est pas la ville éclatée mais c’est une cité qui est dans une logique d’intelligence collective et où on se laisse le droit d’expérimenter et de se tromper pour revenir en arrière.

La réflexion sur la notion de ville malléable nécessite de passer de la notion d’espaces publics, supports de ces transformations vers la notion «d’espaces collectifs» constitués par l’ensemble des lieux ouverts à tous: lieux de circulation et de stationnement, équipements collectifs, transports publics, abords d’équipements, espaces verts, espaces culturels, espaces commerciaux, espaces résiduels, espaces semi-publics, espaces électroniques ou espaces verticaux. Elle nécessite de réfléchir à de nouvelles règles pour un usage alterné de l’espace collectif dans le sens de l’hospitalité, de l’urbanité, et du développement des échanges qui sont autant de chantiers à différentes échelles de l’agglomération à la rue en passant par le quartier: règles de partage de l’espace public entre les différents usagers de la ville ; limites spatiales (zones) et temporelles de cet usage alterné ; bonne lisibilité de cet usage alterné pour des questions de sécurité et de citoyenneté (panneaux, signalétique); responsabilité de la gestion de l’alternance et du calendrier d’usage de l’espace collectif; définition de chartes d’usage de l’espace collectif et de codes de bonne conduite; gestion des conflits entre utilisateurs temporaires sur les marges, au moment du changement d’affectation; adaptabilité du mobilier urbain en fonction des temps et usages différenciés de l’espace collectif (bancs, arrêts de bus, poteaux, bornes rétractables, panneaux d’affichage…); péage et coût d’utilisation des espaces aux différents moments; information et signalétique adaptable aux différents usages.

Gouvernance et principes. La réflexion autour de la figure de la ville malléable oblige également à imaginer des outils de gestion et d’aménagement spatio-temporels de la ville: mise en place de «plateformes d’innovation locales» souples sur les temps et les mobilités; «schéma de cohérence temporel» pour gérer les agendas territoriaux, mais aussi mise en place d’un principe de «haute qualité temporelle» à imposer à chaque projet, à chaque nouvelle politique publique. Enfin, la flexibilité et l’adaptabilité nécessitent que l’on affirme des principes pour éviter l’apparition de nouvelles inégalités entre individus, groupes, quartiers et territoires des métropoles polychroniques: le droit à la ville au sens d’Henry LefebvreLEFEBVRE, H. Le droit à la ville. Paris: Anthropos, 1968., la notion de participation et la notion d’égalité urbaine dans l’espace et dans le temps.

Ouvertures. L’approche spatio-temporelle de nos métropoles est d’une grande richesse. Elle interroge la polyvalence, la modularité des espaces autour de l’idée de ville et de territoire malléable. Elle permet de croiser les préoccupations centrales de développement durable et de créativité en associant d’autres acteurs. Elle ouvre plus largement sur une série de questions en termes d’observation, d’organisation, de développement, de durabilité, de citoyenneté et d’identité. Elle permet d’imaginer une «écologie temporelle»GWIAZDZINSKI, L.“Redistribution des cartes dans la ville malleable. » Espace, Population, Sociétés, no.2007-3.. qui intègre les dimensions sensibles et le confort urbain et permette de travailler ensemble de manière conviviale au sens d’Ivan IllichILLICH, Y. La Convivialité. Paris: Seuil, 1973.. Elle questionne la notion de «l’habiter temporaire», de «l’habiter mobile» et en mouvement ou de la «circulation habitable». Elle oblige à réfléchir à la notion même de citoyenneté pour l’ouvrir à l’idée de «citoyenneté éphémère et situationnelle». Elle pose la question du passage d’une identité d’aires à une identité de traces, d’une «identité territoriale» à une «identité ouverte et situationnelle». Enfin l’évolution des relations entre temps, espaces et habitants temporaires oblige à s’interroger sur la construction de nouveaux «contrats de confiance» métropolitains, fussent-ils à durée limitée.

À partir de la clé des temps, l’occasion est belle de reconquérir des marges de manœuvre et de reprendre en main notre futur autour de choix tels que la qualité de la vie, le développement durable, et de le faire en laissant les options largement ouvertes, en assurant le maximum de diversité à tous les niveaux et en rendant à la population la faculté de se penser, d’inventer des futurs pluriels et de s’organiser en vue d’une activité créatrice. Il s’agit au final de travailler dans le sens d’une maîtrise du temps, de la négociation, de la convivialité, de la cohésion et de l’urbanité contre la dictature des réseaux, la compétition à outrance, l’éclatement et les inégalités.

C’est à chacun d’entre nous de poser et d’imposer ce regard temporel et ce débat, tant au niveau national que local, dans nos organisations comme dans les familles. C’est à nous de préciser les enjeux et de réfléchir ensemble pour savoir «si le jeu en vaut la chandelle» et «jusqu’où ne pas». C’est à nous enfin d’imaginer de nouvelles manières d’habiter les espaces et les temps de nos métropoles.

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