Sortir de l’humanisme

  • Publié le 18 novembre 2017
  • Frédéric Neyrat

L’urgence environnementale a mené de nombreuses formes de pensée contemporaine à récuser l’anthropocentrisme issu de l’Humanisme, pour reconsidérer l’homme comme un des éléments au sein de la nature. Le philosophe Frédéric Neyrat considère que nous n’avons pour autant pas cessé d’être humanistes et travail pour sa part à développer la figure d’un être humain labyrinthique qui, refusant d’assujettir le chaos à l’ordre, l’utiliserait pour desserrer la mainmise de l’ordre. Les perspectives post ou transhumanistes, issues de nouvelles hybridités, lui paraissent prolonger l’Humanisme, malgré leurs promesses de dépasser les séparations modernes entre nature et technologie, humain et non-humain. Faut-il substituer une hybridation forcenée au clivage cartésien/capitaliste, que l’on sait désormais source de catastrophe ? Au risque du monopole et du cauchemar technologique, il oppose des « alliances non fusionnelles ». Associées à la figure du labyrinthe, ces alliances forment ce qu’il qualifie d’« anti-humanisme », un nouvel existentialisme permettant de réussir le nécessaire dépassement de l’humanisme tout en évitant les fausses sorties posthumanistes.

Dans Homo Labyrinthus : humanisme, antihumanisme, posthumanisme, vous démontrez que nous n’avons cessé d’être humanistes, dans la société occidentale tout du moins. Pourriez-vous expliciter cette idée ?

Tout dépend, bien entendu, de la définition que l’on donne de l’humanisme. Or le problème avec cette notion est qu’elle est sujette à un processus constant de réinterprétation, ce processus étant sans doute lié au fait que l’humanisme fût d’abord une interprétation rétroactive : More, de même qu’Erasme, n’utilise pas le terme d’humanisme, tous deux parlent d’umanista, terme désignant le professeur de grammaire, de rhétorique. Quand on parle d’humanisme, on ne cesse d’introduire dans le passé une chose qui n’y était pas, et l’on s’invente une humanité telle qu’elle aurait dû être. L’humanisme, c’est l’humain qui se rêve capable d’être ce qu’il aurait dû être.

Ce rêve veut dire trois choses. Premièrement, que l’humanisme est une notion plastique, soumise à réinterprétations : on parlera ainsi de l’humanisme de la Renaissance, ou de celui la modernité anthropocentrée qui s’affirme avec Bacon et Descartes au XVIIe siècle, ou de celui du sujet autonome des Lumières au XVIIIe siècle, ou de celui d’un être humain sans Dieu au XIXe siècle. Deuxièmement, que l’humain de l’humanisme est lui-même considéré comme un être en devenir, toujours capable d’être autre que ce qu’il est, et c’est ce qui relie la position de Pic de la Mirandole avec celle de Sartre : l’être humain, dit Pic de la Mirandole, est un « caméléon » qui doit « achever sa forme librement » ; oui, ajoutera Sartre, il choisit son mode d’existence. Troisièmement, que le futur des êtres humains consiste à se refaire tel qu’ils auraient voulu être : ce n’est pas que « l’homme », comme le soutenait Foucault, est un visage destiné à s’effacer sur le sable, c’est que l’effacement est seulement une étape dans le cheminement sysiphéen qui conduit l’être humain d’un visage à un autre, d’une forme à une autre, d’une société vers une autre.

En parlant d’« homo labyrinthus », j’ai voulu aggraver ce constat, montrer que le seul moyen de faire cesser cette compulsion de reformation, cet impératif de transformation, ce surmoi harassant qui exige aujourd’hui de se débarrasser de ce qu’on a été hier afin d’alimenter le Moloch capitaliste et sa pulsion accélérationniste, est de laisser béant l’écart entre deux formes, entre deux visages de l’humain. Laisser béant cet écart signifie ne pas tourner l’indétermination qui constitue et déconstitue incessamment l’humain en une nouvelle détermination, elle-même passagère. L’être humain labyrinthique est celui qui, au lieu d’assujettir le chaos à l’ordre, se sert du premier pour desserrer la mainmise du second. Dans le labyrinthe règne l’inhumanité qui empêche l’être humain de se prendre pour lui-même, c’est-à-dire un être qui se refait en pure perte à sa propre image. Dans le labyrinthe, Narcisse est apaisé.

Nous ne serions pas près de quitter cette voie, le posthumanisme ne représentant pas un « après-humanisme » mais toujours plus d’humanisme. Pourriez-vous développer cette idée ? Les « organismes-techniques », plutôt qu’estomper le fossé creusé entre l’homme et la « nature », vous paraissent-ils l’aggraver ?

Si mon approche du terme d’humanisme est correcte, alors il est clair que de trop nombreuses propositions dites posthumanistes ne sont que des prolongements de l’humanisme. L’idée selon laquelle le posthumanisme serait fondé sur le devenir et l’humanisme sur une essence immuable aurait semblé bien surprenante à un Erasme, qui affirmait que, humain, on ne « naît » pas comme tel, mais qu’on le « devient ». Le posthumanisme est, hélas, bien trop souvent un terme qui recouvre le manque de résistance au réquisit moderne du changement permanent.

L’appel au changement permanent est doublé de la promesse de dépasser la séparation nature-technique, nature-technologie, et humains-non-humains. Il fut nécessaire, et il l’est encore, de s’opposer au clivage occidental séparant de façon étanche l’être humain et la nature, envisagée comme une « ressource » ou un facteur de production – je renvoie sur ce dernier point aux analyses de Jason W. Moore consacrées à la manière dont la modernité capitaliste, le « capitalocène », s’est fabriquée une « nature pas chère »Cf. Jason W. Moore, « The Rise of Cheap Nature » in (sous la dir. de Jason W. Moore) Anthropocene or Capitalocene ? Nature, History, and the Crisis of Capitalism, PM Press / Kairos, 2016, pp.78-115., plastique elle aussi, aussi flexible qu’un travailleur devrait l’être selon la loi-travail telle qu’elle est préparée par le président Macron et ses ministres humanistes. Toute la question est de savoir si, au clivage cartésien-capitaliste qui mène tout droit aux changements climatiques, à l’intensification des ouragans et autres ravages, il faut substituer une hybridation forcenée, c’est-à-dire abolir toute séparation.

D’une part, il faut toujours se demander qui accomplit la production des « organismes-techniques », comme vous dites : si c’est un laboratoire, une industrie de la Silicon Valley, une pléiade d’humains, alors la fabrication elle-même maintient, sur le plan du sujet de la production, ce qu’elle déclare dépasser sur le plan de l’objet produit ! Quand on abolit le fossé entre l’humain et le non-humain, on risque d’ensevelir dans le fossé un spyware, porte dérobée, logiciel espion ou câble de surveillance grâce auxquels on saura, en toute humanité, collecter sur vous les big data indispensables à votre bonheur – sur amazon.com. Il est ainsi nécessaire, à chaque fois que l’on s’interroge sur des figures du posthumain, de savoir qui donne les ordres : qui ou quoi, dans le cyborg, est au poste de commandement. D’autre part, en quoi la fusion humain-machine ou souris-technologie est-elle en soi mieux que leur clivage ? David Cronenberg, dans Vidéodrome comme dans La Mouche, a bien vu que la fusion humain-technologie, voire humain-animal-technologie, pouvait virer au cauchemar.

Cependant, les critiques que j’adresse ici ne consistent nullement à refuser la relation humain-technique, mais à la penser comme alliance non fusionnelle, comme noces, comme rencontre établissant entre les instances en jeu un champ d’intensité apte à redistribuer leurs existences. Mon posthumain est un para-humain qui n’a pas oublié son inhumanité, mais la fait servir au bonheur, à la participation à quelque chose qui échappe aux instances humaines et machiniques sollicitéesSur les para-humains, cf. Monique Allewaert, Ariel’s Ecology, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2013.. Un exemple ? Quasimodo ! Il y avait, nous dit Hugo dans Notre-Dame de Paris, « entre » Notre-Dame et la souffrante créature « tant d’affinités magnétiques, tant d’affinités matérielles », que « la rugueuse cathédrale était sa carapace ». Quasimodo « vibre » avec la cloche qu’il sonne. Ce qui apparaît alors, à la faveur de l’alliance entre Quasimodo et Notre-Dame, ce n’est pas une prouesse technologique, ou un gadget de bio-art, c’est une métaphore : non pas nos-rêves-enfin-réalisés, mais la réalité enfin promue au statut de rêve. Or la métaphore tenue comme telle exige que quelque chose ne soit pas réalisé, ou ne soit pas construit. L’irréalisé, ou l’inconstruit, au lieu du fossé entre nature et êtres humains propose une place laissée vacante, la place de la métaphore. Place de la Métaphore, ne serait-ce pas le lieu sans lieu dont toute ville a le secret désir ?

Vous revendiquez la nécessité d’un nouvel antihumanisme pour porter une politique des existences, des singularités multiples, des différentes formes de vie (suivant Wittgenstein). Qu’entendez-vous par là ? Ce nouvel existentialisme s’inscrit-il dans la lignée des préceptes de l’ontologie plate ?

J’emploie l’expression antihumanisme pour ne pas rater la sortie de l’humanisme, ou afin d’éviter la fausse sortie du posthumain. L’antihumanisme n’est pas pour moi une fin en soi, ce terme ne décrit pas un monde voulu, il décrit plutôt ce qui est requis pour parvenir à un monde qui ne serait pas celui du capitalocène. L’antihumanisme promeut donc le labyrinthe comme monument en souvenir de ce que nous avons dû oublier pour demeurer à nous-mêmes étrangers, et l’alliance comme rencontre par laquelle des singularités se découvrent être autres à elles-mêmes. Ce qu’il s’agit à chaque fois de saisir, c’est la singularité des existences.

Or le terme d’existence doit être pris, étymologiquement, comme être-au-dehors. Un être ne commence pas par être en soi, avant, dans un second temps, d’aller hors de lui-même. Il faut plutôt tenir qu’il n’y a d’être qu’originairement hors de soi. Tout commence dehors. Et c’est au dehors ainsi pensé que des choses arrivent, ou n’arrivent pas – des rencontres, des carambolages, des noces, ou bien rien. Mon but n’est donc pas de concevoir des modes d’existences, comme Latour, puisque ce terme, emprunté au latin modus, signifie d’abord « mesure », puis « modération », alors même que l’existence signifie exactement le sans-mesure, ce qui est pour n’avoir pas été seulement mesuré, et mesurable. Ce que je cherche à faire, c’est plutôt de voir comment le fait sans fond de l’existence s’innerve en être vivant, ou en intelligence artificielle, ou en Quasimodo – celui qui est presque comme, quasi modo, mais jamais quelqu’un d’identifiable, ni humain ni bête, et bête et humain – chevauchant la cloche de Notre-Dame.

Mais la liste que je commence ici – être vivant, IA, Quasimodo – est une liste fracturée, elle ne suppose aucune équivalence ontologique. L’existentialisme radicalisé que je propose ne peut dès lors être de l’ordre d’une ontologie plate, et pour deux raisons au moins. Premièrement, parce que partir de l’existence veut dire récuser toute idée d’ontologie « première » : l’ontologie, science de l’être, ne peut être que seconde, elle est le regard que jette après coup la pensée sur les strates de l’existence, la géologie spéculative de l’existant. Poser d’abord l’ontologie, afin d’en faire dériver l’existence, est toujours une manière de mesurer et museler l’existence au nom de l’être. Ce qui est premier est ce qui défait toute velléité ontologique. C’est angoissant et merveilleux tout à la fois, et cela fait du vivant tout autre chose qu’un « partenaire », à moins que vous n’appeliez ainsi ce qui médite de vous dévorer.

Deuxièmement, poser d’abord la survenue existentielle est briser toute platitude : exister, c’est commencer par ouvrir une profondeur de champ. L’idée selon laquelle la modernité a conduit à tout aplatir est l’idée de la domination, c’est-à-dire l’idée des vainqueurs. Mais la pensée doit porter secours à ce qui a été vaincu, refoulé, ce qui n’a pas pu exister. On dit que la révolution galiléenne a consisté à faire descendre le Ciel sur la Terre, à homogénéiser les lois, à aplatir la transcendance ; mais on peut aussi porter l’accent sur une autre tendance, refoulée, celle qui a consisté à promouvoir la Terre au rang d’« astre noble », comme le disait Nicolas de Cues, à élever la Terre au rang d’une forme d’existence singulière, ou plutôt excentrique. Excentrique, l’existence n’est ni une essence, ni un objet, mais, comme je le propose, un trajet : une ouverture de champ qui objecte à tout ce qui réduit son écart fondateur. J’ajoute que si je ne peux m’accorder avec les ontologies plates ou les théories orientées-objets, je ne rejette pas toutes les tendances du réalisme spéculatif, étant admiratif de la philosophie de Iain Hamilton Grant et attentif aux recherches « panpsychistes » de Steven Shaviro – pour ne prendre que ces deux exemplesCf. “Enquête sur le Nouveau Champ Spéculatif” (avec Frédéric Bisson) in Multitudes n°65, pp.34-41..

S’il n’y a que des trajets, le vivant est l’un d’entre eux. Par vivant, j’entends ce qui résiste à l’intact, à l’indemne, à l’intouchable, à l’état de ce à quoi il n’arrive plus rien. Je joue ici avec la formule de Bichat – la vie comme « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ». Mais la mort peut être un allié considérable pour que le vivant résiste à ce qui l’empêche d’exister. J’avoue donc ici, encore une fois contre toute équivalence, une forme de vitalisme. Non pas un vitalisme généralisé, qui soutient que tout est vivant, ni un vitalisme restreint, qui affirme que la vie est plus que la matière et qu’elle ne peut s’expliquer par le recours aux sciences physiques, mais ce vitalisme qui, pour Georges Canguilhem, était plus une « exigence » qu’une « doctrine » : un vitalisme éthique donc, ou existentielDe Georges Canguilhem, lire La Connaissance du vivant (1953). Sur les différents vitalismes, je renvoie au second chapitre de mon Literature and Materialism (Routledge, 2019)..

Ce vitalisme existentiel refuse certes l’axiome que tout est vivant. En revanche, est ouvert l’espace de ce qui peut être promu au rang de vivant. Ce qui compte avant tout est de choisir son camp : « plutôt la vie », disait André Breton. C’est une position éthique qui implique une hiérarchie, une position d’affirmation qui refuse de mettre en équivalence toutes les choses : le vitalisme existentiel est ce qui s’oppose à tout ce qui nous fait une vie impossible. En revanche, je ne pense pas qu’il soit possible de choisir le camp du Tout – ça, c’est l’idéologie de la domination (l’Homme de l’Anthropocène, etc.) –, ou de proposer une éthique de la matière – tout est matière ? Bon, et puis ? Je pense même qu’une éthique éco-centrique ne peut se constituer comme telle qu’à partir d’une priorité éthique soucieuse de la mise en péril du vivant, celle-ci étant déterminée par les conditions économiques, sociales, politiques d’exploitation, de colonialité, de destruction volontaire de l’environnement etc.

Ce n’est qu’à partir de ce vitalisme que je peux envisager le rapport aux technologies : quelles technologies favorisent ce qui résiste à l’indemne ? Quelle alliance technique permettra à Quasimodo d’éprouver plus de joie que de malheur ? Quel art saura célébrer la manière dont l’univers peut, grâce au vivant, se percevoir et – pourquoi pas – jouir de lui-même ? La politique de l’existence est ce qui se doit de répondre à ces questions. Elle traduit en termes de propositions ou d’interdictions de constructions les exigences vitales : faut-il bâtir ou non cet aéroport ? Ce barrage ? Ce train à grande-vitesse inutile et environnementalement nuisible ?

Vous publiez un nouvel ouvrage autour de l’idée d’atopie. Ce concept a-t-il évolué depuis que vous l’utilisez ? Les événements et mutations contemporaines vous semblent-ils donner davantage de pertinence à votre réflexion sur l’extérieur ?

Atopias: Manifesto for a Radical Existentialism est la traduction amendée d’un ouvrage d’abord publié en françaisCf. Atopias and Atopies (http://www.editions-nous.com/neyrat_atopies.html). Ce qui me semble important par rapport à notre discussion est de saisir que le dehors dont je parle dans ce livre n’est pas un dehors là-bas qui s’opposerait à un dedans ici, mais – de façon presque inversée – ce dehors qui me fait être ici, à la recherche d’un éventuel dedans là-bas. Une telle condition, atopique, littéralement sans lieu, est une condition d’errance originaire, qui ne considère une maison que comme un bivouac, je veux dire ce qui tient lieu de dedans.

C’est peut-être à cause de la croyance qu’ont certains d’être « dedans », dans « leur » pays, « leur » nation, et de voir arriver des étrangers du « dehors », que des êtres humains à la recherche d’un refuge finissent noyés dans la Méditerranée. Pour briser cette croyance, il serait nécessaire de reconnaître notre atopie constitutive, c’est-à-dire que quelque chose en nous est irrémédiablement sans-lieu. Oui, le vivant que nous connaissons est terrestre ; mais son atopie lui coupe les racines, ou les plonge dans le ciel, faisant de lui un être extra-terrestre. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas se construire un abri, une maison, un nid, mais cela veut dire que l’être vivant a d’autant plus besoin d’un milieu de vie favorable que ce milieu n’est qu’une situation transitoire. « Seul le ciel nous protège de l’immensité du sombre univers », écrit à peu près Paul Bowles. Angoisse et merveille de l’existence dévolue au vivant qui en fait l’expérience, une condition que je me suis proposé d’étudier dans un livre intitulé Échapper à l’horreur. Court traité des interruptions merveilleusesFrédéric Neyrat, Échapper à l’horreur. Court traité des interruptions merveilleuses (Nouvelles Éditions Lignes, 2017).

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